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Marius Escande et Sarah Illouz

Nous n'habitons vraiment que les choses (?!.) | 2022 | Sarah Illouz & Marius Escande

Magma | 2021 |Sarah Illouz & Marius Escande

Good things take time (Recto) | 2022 | Sarah Illouz & Marius Escande

Good things take time (Verso) | 2022 | Sarah Illouz & Marius Escande

“Prière de laisser cet endroit comme vous désirez le trouver en entrant" | 2022 | Sarah Illouz & Marius Escande

Rain is Gold; Phrixos, Hellé et Chrisomallos (Recto) | 2022 | Sarah Illouz & Marius Escande

Rain is Gold; Phrixos, Hellé et Chrisomallos (Verso) | 2022 | Sarah Illouz & Marius Escande

2020 | Sarah Illouz

Scale For Scale - installation | 2021 | Yohann Gozard

Huile sur toile | 2020 | Hugo Boutry

Sarah Illouz et Marius Escande

Marius Escande est né en 1994 dans les Alpes.
Diplômé de l'École de recherche graphique.

Sarah Illouz est née en 1997 à Paris.
Diplômée de la Villa Arson.

Vivent et travaillent ensemble depuis 2021 entre Paris et Bruxelles.

La pratique en duo de Sarah Illouz et Marius Escande est animée par une éthique et un mode de vie qui embrassent chaque étape de la production de leur écosystème plastique : de la recherche des matériaux jusqu’aux résultats formels, en passant par diverses collaborations circonstanciées. L’utilisation du feutre et ses déploiements en tapisserie les a par exemple conduit·es à s’immerger dans la filière de la laine en Belgique, et à partir à la rencontre des éleveur·euses, tondeur·euses, trieur·euses, négociant·es et industriel·les, avec qui un dialogue est noué à chaque étape de la transformation du matériau. Ce dernier est utilisé non plus seulement pour ses qualités plastiques, mais aussi pour la charge symbolique et économique qu’il charrie.

Il s’agit de revenir à la source de la matière, mais également de l’accompagner dans tous ses cycles, au-delà de sa finitude. Sarah Illouz et Marius Escande mettent en pratique une circularité et un réemploi exhaustif où chaque chute est utilisée, trouve une nouvelle place, une nouvelle fonction, et se dote d’un surplus d’existence. À l’encontre des standards de production et de rendement capitalistes, leur expression plastique et toutes les étapes qui la précèdent ne peuvent advenir que sur un temps nécessairement long et étiré, en adéquation avec un de leur leitmotiv : good things take time.

La matière est travaillée dans une recherche manuelle de facture exigeante, qui intègre pourtant l’accident, et surgit au gré des expérimentations sur le matériau. Leurs gestes se mélangent et fusionnent, jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible de savoir quelle main en est responsable. Si les écosystèmes et les items de chaque installation migrent de contexte en contexte, chaque élément est quant à lui non reproductible – comme une capsule temporelle unique, qui scelle la rencontre entre un moment précis et une action donnée.

Des accidents de la matière et de la faille temporelle que leur pratique creuse dans le rythme productiviste, surgissent des lieux de vie et des façons d’être ensemble. C’est dans ce cadre que tapisseries, bibliothèques et portes se dotent d’une autre agentivité, non plus seulement fonctionnelle, mais également esthétique et organique.

Guidé·es par l’affirmation d’Emanuele Coccia selon laquelle « Nous n’habitons vraiment que les choses[1] », peu importe aux artistes la forme extérieure de la maison. Le duo privilégie son contenu et la richesse des énergies qui la peuple. Chaque élément interagit avec les autres selon les motifs issus de leurs dessins, voyageant entre les médiums comme dans un grand jeu d’assemblage. Dès la conception participative des dispositifs jusqu’aux rencontres avec le public, celui-ci est invité à l’interaction et pourra spontanément passer les portes, voir à travers elle, piocher dans la bibliothèque ou y ajouter des livres, se réunir et échanger.

Les transpositions plastiques leur permettent aussi d’explorer le récit historique dominant et la formulation de mythes communément admis, dans un va-et-vient entre différentes versions et réactualisations contemporaines. Dans leurs installations, des artefacts du pouvoir sont placés ici et là, des objets totémiques sont détournés, puisant dans les diverses références et dérivés de récits tutélaires, comme celui de la Toison d’Or[2]. Les deux artistes réécrivent l’Histoire et bouleversent les rôles préétablis, tout en esquissant des pistes pour s’émanciper des mécanismes de domination et de la quête du succès, afin d’élargir l’accès à l’action et la création.

Choisissant de pratiquer un art résolument furtif, une écologie discrètement glissée dans la matérialité et l’ouvrage, Sarah Illouz et Marius Escande donnent vie à des constellations de fragments, de citations, de moments passés ou à venir, pris dans un enchevêtrement de récits, légendes archaïques et actuelles.

Andréanne Béguin

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