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Sacha Cambier De Montravel

L’Errance de Cain

Retable de trois panneaux, huile sur bois,
90 x 140 cm
2024

Angelus Novus
Huile sur bois
12 x 16 cm
2025

Black Flag
Huile sur bois
12 x 16 cm
2025

La trahison de l’Aube
Huile sur bois
23 x 20 cm
2025

Né en 1995 à Liège

Vit et travaille à Paris

Diplômé des Beaux-Arts de Paris

@sacha_cambier_de_montravel

Sacha Cambier de Montravel est né en 1995. Il travaille à Paris. Il est diplômé de l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris.

Par Andréanne Béguin

Abandonner la peinture sur toile pour revenir à son ancêtre médiéval, la peinture sur bois. Dans la pratique de Sacha Cambier de Montravel, tout pourrait commencer par le choix de ce support, lisse et rigide, où artisanat et art ne font qu’un. À la manière des narrations que l’on peut visuellement lire sur les polyptyques et antependia, il met son trait de bédéiste au service d’une peinture énigmatique, truffée de codes et de symboles. Par des jeux maîtrisés de perspectives, plusieurs récits miniaturisés, illustrés par des scènes bigarrées, coexistent dans ses œuvres. Résolument graphique dans les détails, et pourtant tout en matière grâce aux contrastes d’ombre et de lumière, et aux réflexions de feuilles d’or ou d’argent, sa peinture assume des influences byzantines, gothiques, primitives flamandes ou encore romantiques. Le regard pourra y reconnaître des airs de grands maîtres comme Bosch, Dürer, Gustave Doré ou encore Cranach, Van Eyck et Patinier. Mais cette familiarité esthétique, profondément ancrée dans l’histoire de la peinture et dans ses références anciennes, est hijackée par une iconographie tout droit sortie de l’ultra-modernité. De paysages a priori édéniques, comme les calanques de Marseille, surgissent des sacs-poubelle ; les montagnes sont lézardées par des autoroutes, et les arrière-plans mités par des zones industrielles. La nature, en toile de fond, est donnée à voir dans sa réalité désenchantée, dominée et exploitée par les activités humaines. On sent poindre une forme de solastalgie, cette détresse contemporaine liée à la prise de conscience et à l’anxiété des changements environnementaux.

Parfois furtives, parfois tapageuses, les figures humaines viennent peupler ces décors désabusés. Elles semblent toujours être prises sur le vif, presque dérangées dans leurs quiétudes et moments d’intimité ou au contraire dans leurs frasques érotiques. Se réclamant d’un héritage sadien et ouvertement autobiographique, le sexe est omniprésent, scandé par des codes esthétiques BDSM gay. Ces silhouettes empruntent leurs contours à des personnages mythologiques, aux origines de la civilisation judéo-chrétienne. Chaque scène représentée devient un fragment d'une cosmogonie queer, en rupture totale avec l’hégémonie culturelle. Ce nouveau panthéon s’organise autour de Caïn, que l’artiste considère comme la genèse de la queerness. Par son crime, puis par le rejet dont il fait l’objet, Caïn incarne la pulsion de mort, le refus de la civilisation et de sa reproduction. Le peintre lui consacre un retable, où la représentation, entre névrose et psychose, agit également comme une métaphore de l’errance sociale liée au trouble de la personnalité borderline. Créature déchue, entité anti-sociale, Caïn annonce le chaos et l’Apocalypse, et permet à l’artiste de personnifier sa conception collapsologique de la société.

Abel et Caïn (volet extérieur du retable L’Errance de Caïn),
Huile sur panneau de bois, 74 x 95 cm, courtesy de l'artiste.

Céyx et Alcyone, 2024
Huile et feuille d'or sur panneau de bois, 42 x 30 cm, courtesy de l'artiste.

Songe d'une nuit d'été, 2024
Huile sur bois, dimensions variables, courtesy de l'artiste.

Céyx et Alcyone, 2024

© Huile et feuille d'or sur panneau de bois, 42 x 30 cm, courtesy de l'artiste

Sacha Cambier de Montravel was born in 1995. He works in Paris. He graduated from École nationale supérieure des beaux-arts, Paris.

By Andréanne Béguin

Abandoning painting on canvas to return to its medieval ancestor, painting on wood, in Sacha Cambier de Montravel's practice, everything could begin with the choice of this support: smooth and rigid, where art and craft become one. Like the narratives that can be read visually on polyptychs and antependia, he transposes his comic-book into enigmatic paintings, riddled with codes and symbols. Through a masterful play on perspective, multiple miniaturized narratives coexist in his works, illustrated in motley scenes. Resolutely graphic in detail, yet full of substance due to the contrasts of light and shadow and the reflections of gold or silver leaf, his paintings bear the mark of their Byzantine, Gothic, Flemish Primitive and Romantic influences. One might recognize resemblances to great masters such as Bosch, Dürer, Gustave Doré, Cranach, Van Eyck and Patinier. But this aesthetic familiarity, deeply rooted in the history of painting and its ancient references, is hijackedby an iconography straight out of ultra-modernity. From seemingly Edenic landscapes, such as the calanques of Marseille, garbage bags emerge; mountains are broken up by freeways, and backgrounds are eaten away by industrial zones. Nature, in the background, is shown in all its disenchanted reality, dominated and exploited by human activity. We sense a kind of solastalgia, a contemporary anxiety linked to an awareness of environmental change.

Sometimes furtive, sometimes boisterous, human figures populate these disillusioned settings. They always seem to be caught in the act, almost disturbed in their moments of intimacy and quietude or, on the contrary, in the middle of erotic antics. Asserting a certain sadism and an openly autobiographical approach, sex is omnipresent in his work, scandalized by gay BDSM aesthetic codes. His silhouettes borrow their contours from mythological characters, from the origins of Judeo-Christian civilization. Each scene represented becomes a fragment of a queer cosmogony, at odds with cultural hegemony. This new pantheon is organized around Cain, whom the artist sees as the genesis of queerness. Through his crime and subsequent rejection, Cain embodies the death drive, the refusal of civilization and its reproduction. The painter devotes an altarpiece to him, where his representation, somewhere between neurosis and psychosis, also acts as a metaphor for the marginal sociality associated with borderline personality disorder. A fallen creature, an anti-social entity, Cain heralds chaos and the Apocalypse, enabling the artist to personify his collapsological conception of society.

Abel et Caïn [Abel and Cain] (outer panel of the altarpiece L'Errance de Caïn),
Oil on wooden panel, 74 x 95 cm, courtesy of the artist.

Céyx et Alcyone [Céyx and Alcyone], 2024
Oil and gold leaf on wooden panel, 42 x 30 cm, courtesy of the artist.

Songe d’une nuit d’été [A Midsummer Night's Dream], 2024
Oil on wood, dimensions variable, courtesy of the artist.

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