• Imprimer

Geoffrey Badel

Centurio Senex | 2022 |

Je me suis mue | 2022 | Pauline Rosen-Cros - MOCO

Macroderma gigas | 2022 |

Je verrai le jour au-dedans | 2021 |

An it harm none, do what ye will | 2019 | Marc Domage

Chiroptera | 2022 |

Panser l'étrange | 2022 |

Je me suis mue | 2022 | Pauline Rosen-Cros - MOCO

Né en 1994 à Montélimar.
Vit et travaille à Montpellier.
Diplômé de l'École supérieure des beaux-arts de Montpellier.

Dans The Weird and the Eerie, le théoricien britannique Mark Fisher définit the weird (bizarre) et the eerie (troublant, perturbant) comme deux concepts étroitement liés dans l’imaginaire populaire à l’horreur, qui nous permettent d’interpréter le réel par le biais du fantastique et du surnaturel. À la croisée du dessin, de la sculpture, de l’installation, du rituel et de la performance, la pratique de Geoffrey Badel est pleinement préoccupée par ces (para-)mondes, autres et invisibles. Elle est aussi propulsée par deux passions et champs de recherche qui l’occupent de longue date : la magie et la culture sourde. Une danse permanente, qui vise à donner forme à ce qui doit nécessairement rester hors du champ du visible ou de l’audible.

En 2018, Geoffrey Badel enclenche Phantasma (2018-en cours), une recherche au long cours sur des lieux hantés. Avant de s’y rendre, souvent en compagnie de professionnel·les de la parapsychologie, il récolte à leur sujet un maximum d’informations, d’archives et de témoignages. Une fois sur place, l’artiste et les personnes qui l’accompagnent utilisent des outils d’enregistrement pour ausculter l’espace. Elles prennent le pouls de sa dimension sensorielle, entrent en contact avec les présences qui l’habitent encore et tentent de leur rendre leur voix. En dépit de ce travail préparatif, ou peut-être grâce à lui, c’est pourtant le hasard et l’accidentel qui sont mis en avant.

Le Centre chorégraphique national de Montpellier (ICI-CCN), ancien couvent des Ursulines transformé plus tard en prison pour femmes, est souvent au centre de ces fouilles paranormales. Ces dernières se sont matérialisées dans un livre d’artiste, Akousma – Partie II (2022), une série de dessins automatiques réalisés sur des reproductions d’anciens documents administratifs du couvent, dont les tâches, décolorations et autres marques du temps servent de support à l’artiste. Comprenant également une première partie, le triptyque Akousma sera complété par une vidéo tournée en collaboration avec la chorégraphe, danseuse et ancienne directrice de l’ICI-CCN, Mathilde Monnier. À travers son corps, ses gestes, ses respirations, elle rentrera en communion avec les rumeurs invisibles qui traversent les espaces vides du Centre.

La volonté de guérir et d’apaiser n’est pas étrangère à ces démarches. Pour l’exposition collective Trans(m)issions. L’Expérience du partage (2022)au MO.CO., à Montpellier, Geoffrey Badel a présenté une installation qui évoquait un éventuel lieu de soin. Une forte odeur d’épices et de plantes émanait d’anciens draps en lin, teintés d’une encre préparée à partir d’ingrédients présents dans la thériaque, un antipoison universel connu depuis l’Antiquité. On pouvait trouver, sur l’envers, sur l’endroit et dans les interstices entre les draps, des formes et des figures étranges : des moulages de doigts en cire que l’on pouvait entrevoir entre les plis, accrochés non loin d’un moulage en plâtre vernis représentant le visage de l’artiste percé d’aiguilles d’acupuncture, arborant une mue de serpent (Je me suis mue, 2022). Autant de signes de mutations, ceux d’une énergie pulsionnelle à laquelle Geoffrey Badel reste toujours fidèle. Et si certaines images et sensations réapparaissent à maintes reprises, deviennent perceptibles et, justement, hantent son travail, c’est afin de construire une para-syntaxe qui se dévoile au fur et à mesure – là où s’enfouissent the weird and the eerie.

Anya Harrison

HAUT DE PAGE