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Flo*Souad Benaddi

Les Restes | 2022 | Jean-Christophe Lett/Villa Arson

J'ai des envies meutrières de l'hétéropatricat | 2021 |

Regarde Regarde Regarde , en collaboration avec Luna Petit | 2022 | Mathild Hanique

The Library is Open | 2022 | Production : Mode d'emploi

Typo 2 Gouines | 2022 | Jean-Christophe Lett/Villa Arson

Né en 1997 aux Lilas.

Vit et travaille à Bruxelles.

Diplômé de la Villa Arson.

Dans un de ses usages linguistiques, l’astérisque (symbole typographique ressemblant à une étoile) placé devant un mot, signale une forme restituée. Ce n’est pas un tiret (-), ni un slash (/), ni un plus (+). L’astérisque est un liant sans rupture. Flo*Souad Benaddi utilise un astérisque pour lier son prénom d’usage à son prénom marocain. Il me glisse à l’oreille qu’il a rencontré l’astérisque grâce à Sam Bourcier[1], qui l’utilise pour signifier la transness*. Flo*Souad recompose par affiliation une nouvelle phonétique qui résonne sur nos cordes vocales, lorsqu’on s’adresse à lui, [flɔswa]. Les lettres de nos prénoms sont les premiers signes que nous apprenons à dessiner de nos mains d’enfant tremblantes, en tenant des plumes du bout de nos doigts tachés d’encre.

Flo*Souad est un astérisque. Les lettres le rassurent. J’imagine Flo*Souad en figure de Sherlock Holmes (il est plutôt du style inspecteur Barnaby, m’a-t-il dit), entouré d’une nuée de lettres qui s'agitent, créant toutes les combinaisons possibles pour résoudre une enquête. Dans les archives lesbiennes de Bruxelles (sous l’influence des adelphes de Bye Bye Binary et de la pensée open source), il cherche à comprendre : qu’est-ce qu’une typographie militante ? À l’époque du Letraset, c’était l’usage libre des typographies mainstream (celles de la grande distribution de mots : la presse) qui était militante, et non la production des lettres en elles-mêmes. Alors, on manipulait des lettres existantes, normées, calibrées comme une matière brute : on découpait, on raturait, on collait. Selon Flo*Souad, les familles typographiques sont comme les familles de gouines : il y a les butch et les italiques, les lipsticks et les bold. Il travaille des morceaux de lettres découpées pour redessiner des identités existantes, composées par la rencontre de courbes et de déliées qui déroge à la règle d’un calibrage pur, envisageant ainsi une politique du rapiècement. La pratique de Flo*Souad est souple et perméable. Les peintures et les sérigraphies qu’il réalise (seul, ou avec Luna Petit) sur les vitres des bâtiments dans lesquels il est invité, se propagent et colorent le vide lorsque les rayons du soleil traversent cette membrane solide. Il refuse d’être contraint, ses gestes respirent la liberté du faire, comme les plantes qui s’envolent depuis les poches des habits de cueillette qu’il réalise pour ses ami·e·s.

L’écriture est chargée d’une substance intime (quality:no*energy:yes)[1]. La traduction colore les mots, d’une langue à l’autre. La publication est une forme de ready-made-pirate de la pensée qui se disperse. Nous sommes des passeur·euses.

Avec FSB Press, Flo*Souad écrit et remet en circulation des textes théoriques ou, récemment, des savoirs en botanique et en phytothérapie – glanés, rangés, sourcés en amateur – sous le prisme d’une cureture queer*trans. Témoin de l’évolution des conditions et des législations pour accéder aux hormones de synthèse, il redistribue des ressources et des savoirs concernant les plantes hormonales[2]. Loin d’une mise en opposition de ces substances (« de synthèses » / « naturelles », interprétation régulière, clivante et réductrice de la part de personnes cisgenres), ces cartes sont des outils qu’il offre à la communauté queer afin de contourner les réglementations, en complément ou en attente d’une prise en charge réelle pour des personnes qui entament leur transition.

Flo*Souad est un astérisque entre les mots, les corps et les savoirs.

Flo*Souad écrit et imprime pour « ne pas oublier ».

Liza Maignan

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