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Vincent Burger

UAV (Une Affaire Véreuse) | 2019 |

7 Races De Porcs Ne Croient Pas Qu’ils Existent | 2019 |

TRUST GODNI | 2019 |

Jadiscan 3003-X ᴾᴿᴼ ² | 2022 | Vincent Burger

Paysage d'été | 2021 |

Né en 1994 à Paris.

Vit et travaille en région parisienne.
Diplômé de la Villa Arson.

Vincent Burger pratique la sculpture, l’installation, la vidéo, le collage, la sérigraphie ou encore le dessin. Il s’agit, avec chacun de ces médiums – qui peuvent se rencontrer – de distiller une même atmosphère qualifiée de « cyber-rustique » par l’artiste. Ce peut-être la fusion, grâce au transfert sur bois, de l’image d’objets issus d’une culture digitale déjà dépassée (icônes, onglets, claviers) et de matériaux (presque toujours de récupération) évoquant la rue, le rebut, le précaire voire le dégradé (pics à pigeons, bois de cagettes, plexiglas, cartons d’expédition). Du dépassé et du dégradé dont Vincent Burger prend soin : il en fait des autels, des mausolées, des dioramas pour créatures fatiguées lancées dans le siècle du dérèglement.

TRUST GODNI est un petit autel chinois décrépit sur lequel l’artiste a bâti des échafaudages miniatures. Sur le fond de l’autel, là où devrait figurer le dieu du sol, on trouve un slogan sérigraphié par l’artiste. Prélevé sur un vêtement contrefait, ce slogan souffre d’altérations multiples : « TRUST GODNI PARDSE NOTHING ». Vincent Burger l’a trouvé « punk et dyslexique ». Il possédait peut-être aussi le souffle épique des aventures désastreuses de la fast fashion et de l’économie de plateforme que l’on retrouve dans l’ensemble de l’installation intitulée The Turd Place (2019), évocation d’un entrepôt joliment inquiétant dans lequel vient notamment prendre place TRUST GODNI.

Plus récemment, Vincent Burger a présenté des cartons d’expédition fictifs (il leur invente des logos et des messages, très proches de ce que produit le réel et, là encore, l’univers de la contrefaçon, mais de manière vraiment décalée) et des drones-lustres de son invention (des semi ready-made, tout à fait cyber-rustiques) postés devant des gravures agrandies d’Albert Robida (1848-1926). Robida avait imaginé le ciel plein du futur, celui des voitures volantes. Celui, interprète Vincent Burger, de la livraison par drone, fantasme pénible et en suspens.

Vincent Burger fait appel aux termes cursed (maudit, « au sens que ce mot revêt aujourd’hui sur Internet pour désigner la simultanéité du grotesque et de l’irrationnel ») et Camp (qui prend la pose,« un style esthétique qui tient en estime le mauvais goût par un mélange d’ironie et d’affection sincère »). Il a le don du mot-valise comme de l’œuvre-valise : ainsi de l’appellation « tech-naze », de sa création, pour qualifier sa pratique faite « de pathétique et de ruines contemporaines, de loufoquerie et de dystopie, de rétro-futurisme et de psychédélisme » (très sensible dans son travail vidéo).

Vincent Burger m’est apparu comme un bricoleur tendre et érudit, qui lutte contre le temps et, peut-être, tente d’aimer quelque chose de ce présent-là. Sillonnant avec effroi et délice les vestiges digitaux de sa propre mémoire, il contemple les spams et les CD-roms avec gourmandise, mais évoque, soudain, la fin de tout imaginaire possible du futur. Le futur : cette vieille chose devenue une version pathétique de notre présent déjà bien pourri. Et l’âge d’or ? Car il y a aussi beaucoup d’enfance, de jeux, dans ce travail : un BlackBerry (on l’avait oublié) version jouet pour enfant encore sous blister ; une créature dans le coin gauche d’un dessin qui s’apprête à tourner la manivelle de sa boîte à musique. Le travail de Vincent Burger pourrait bien être celui d’un Peter Pan à l’abord cynique, plus doux qu’il n’y paraît. Il attrape les bugs au filet à papillons.

Eva Barois De Caevel

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