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Gala Hernández López

La Mécanique des fluides | 2022 |

La Mécanique des fluides | 2022 |

La Mécanique des fluides | 2022 |

HODL | 2022 |

HODL | 2022

Née en 1993 à Murcie, Espagne.

Vit et travaille à Paris et Berlin.

Doctorante, École doctorale esthétique, sciences et technologie des Arts – Université de Paris 8.

Gala Hernández López est à la fois cinéaste, artiste et chercheuse. À côté d’une démarche universitaire mise en pratique par des lectures, des analyses et des textes, elle prolonge ses recherches documentaires par une matière plastique glanée sur Internet et réalise des œuvres vidéo qu’elle qualifie d’essais documentaires ou de « docu-fictions ».

Sans affirmer que le cinéma n’existe plus, mais plutôt qu’il a perdu son hégémonie sur l’image en mouvement, l’artiste envisage le futur du cinéma « caméré » comme une rencontre entre le septième art et les médias numériques, caractérisée par l’utilisation à l’écran d’animations 3D, d’images déjà existantes publiées sur le web – des images d’autrui laissées sur Internet « comme autant de parties de soi », pour reprendre une phrase de son film La Mécanique des fluides (2022).

Gala Hernández López procède ainsi par redoublement, par images d’images. Elle navigue sur les forums Reddit, déambule sur les plateformes de contenus comme YouTube, fouille les méandres et recoins des réseaux sociaux. De cette masse de contenus, elle extrait des captures d’écran nécessairement situées et filtrées par sa propre subjectivité, puis assemblées et montées selon des cadrages, des zooms et des enchaînements, accompagnés par une voix off poétique qui les recontextualise et produit une narration. À rebours du flux illimité et désordonné d’Internet, l’artiste tente de mettre en récit le web, les affects, les effets psychiques et physiques qu’il génère chez ses utilisateur·trices.

Tout en mettant en lumière et en écran ces mécanismes intérieurs, sa pratique les rattache à travers un prisme féministe aux réalités sociales qui les sous-tendent : la marginalisation de certaines personnes, les diverses formes de précarité économique et émotionnelle, l’expression d’une misogynie décomplexée ou le mirage constitué par les monnaies numériques. Chaque film, dans son sujet, son contenu et sa matière première, répond en filigrane à des communautés virtuelles à qui seul Internet permet d’exister : communautés des incel (célibataires involontaires), communautés de crypto-influenceurs et d’investisseurs, communautés des reality shifters (qui cherchent à atteindre un état de conscience altéré), etc. Internet, en offrant des espaces de rassemblement et de discussion, des algorithmes pour forger des systèmes de croyance et des langages communs, donnent les outils à ces communautés pour se rendre accessibles, se mettre en actes et en pratique dans des vidéos – pour se mettre en scène. Toutes sont les fruits plus ou moins viciés du capitalisme numérique computationnel, symptômes du mal de notre temps.

Le geste cinématographique de Gala Hernández López et sa mise en exposition permet de revenir hors ligne. Il nous invite à sortir du règne de l’individu-tyran, qui navigue dans l’hyper-objet Internet, et nous impose une expérience de visionnage collective en empêchant toute interaction. Il nous dirige ainsi vers un régime attentionnel plus captif et plus critique.

Andréanne Béguin

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