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Anne Swaenepoël

Choose Right Or Die | 2022

Le Jurassique Supérieur | 2021

PIA-PIA-PIA | 2019 | Quentin Chevrier

One Possible End For Shane SHadow | 2022

ShaneSHadow | 2022

Née en 1998 à Méru (Oise)
Vit et travaille à Marseille.

Diplômée de la Villa Arson.

Anne Swaenepoël fait des films. Elle les fait tout simplement pour chasser les démons qui menacent d’envahir son état d’esprit et de le pétrifier. Qu’ils fassent office d’auto-thérapie, d’exorcisme ou de journaux intimes, ses films déplacent sa propre intériorité, pour mieux la confronter et la contrôler, vers des personnages ou des scénarios fictionnels. Souvent solitaires et privés d'interactions humaines, les personnages auxquels l’on fait face – jeunes gens, alter ego, voix désincarnées – sont marqués par un niveau aigu d’anxiété, d’angoisse et de manque de confiance en soi.

Marque distinctive des courts-métrages d’Anne Swaenepoël : le refus délibéré d’utiliser les outils traditionnels que sont la caméra ou l’appareil photo. L’artiste leur préfère l’équivalent numérique d’une pratique pauvre : le found footage, c’est à dire la collecte d’images en circulation sur YouTube, extraites de vidéosurveillance, de jeux vidéo, de captures d’écran et de banques d’images libres de droits sur Internet. Cette boîte de Pandore, un coffre au trésor insondable, l’artiste la plie, la retravaille et la manipule à sa guise. Si ce choix technique est dicté au préalable par une économie de moyens, il permet à Anne Swaenepoël de mener une pratique de récupération, d’appropriation et de citation proche du sampling (l’utilisation d’extraits préexistants afin de créer de nouvelles compositions). La forme et le rendu visuel de ses films sont matériellement contraints par les sources utilisées et le contenu qui en découle, qu’elle peut amasser dans ces univers pixélisés, en provenance tantôt des industries multinationales, tantôt des contenus privés et anonymes qui se trouvent dans le no man’s land d’Internet.

Ainsi, Le Jurassique Supérieur (2020) est une vidéo faite à partir d’images et de vidéos libres de droits qui, retravaillées et animées par l’artiste en post-production, deviennent vivantes. Sous-titré en français pour mieux comprendre les échanges qui se tiennent dans une famille de dinosaures, le film nous livre le drame existentiel du plus jeune d’entre eux, confronté au rite de passage de la sortie d’école d’art. Derrière les animations simples et un humour léger se cachent l’angoisse post-école, le stress et la peur de l’échec, qui prennent ici l’ampleur de la fin du monde.

Désireuse de ne pas pirater du contenu trouvé facilement en ligne mais dont les ayants droit restent introuvables, Pia Pia Pia (2020-2023) se compose uniquement de captures d’écran des jeux vidéo Grand Theft Auto V et Les Sims 4. Pourtant, le néant reste à portée de main. Complètement seule dans un monde aux multiples dimensions, la protagoniste, Alice, erre sans but précis si ce n’est de retrouver et de s’accrocher à quelque chose de familier.

Pour la toute première génération du net art dont Olia Lialina est l’une des pionnières, ou Cory Arcangel plus tard, l’apparition d’Internet ouvrait la voie à une remise en cause du rapport entre technologie et culture (un déplacement des limites de l’espace numérique et de la notion de paternité), et à la construction d’une archéologie des nouveaux médias. De la même façon, Anne Swaenepoël nous plonge dans la mise en abyme qui défile devant nous, sur nos écrans. Refuge en construction, cet espace pour fuir la réalité n’est finalement qu’un mirage.

Anya Harrison

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