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Eugénie Zely

Le pavillon c'est la vie | 2022 | Eugénie Zely

l'une est fausse si l'autre est juste | 2021 | Eugénie Zely

est-ce nécessaire de le dire ? | 2022 | Eugénie Zely

Née en 1993 à Nantes.
Vit et travaille en Vendée.
Diplômée de l’École nationale des beaux-arts de Nantes.

Dans son travail artistique, qui se déploie entre l'écriture, la sculpture, la vidéo, la conférence-performance et le dessin, Eugénie Zély s'intéresse aux superpositions et aux écarts qui existent « entre personnes et personnages » ; mais aussi à comment on raconte les histoires, et, inversement, à comment celles-ci nous racontent. Elle observe l’agentivité du discours, la multiplicité des identités, la divulgation du « je » pour mieux s’en jouer, l’art du storytelling et des narrations situées. À travers des sources d’inspiration telles que l’écrivaine Dorothy Allison, Nabilla ou d’autres candidat·es de télé-réalité, Marguerite Duras ou encore le rappeur SCH – repoussant les frontières de ce qui fait littérature au-delà de celle dite canonique ou savante –, sa pratique détourne la question des seules œuvres pour demander si l’on pourrait, soi-même, être une autofiction.

Les vidéos d’Eugénie Zély tordent le modèle du vlog[1] de manière poétique, ses poupées donnent chair aux protagonistes de ses récits, les expositions et dispositifs qu’elle emploie augmentent l’espace de la page, ses dessins se glissent dans les vidéos comme ses objets dans les textes. Chaque médium puise dans ses spécificités formelles pour laisser la possibilité à un langage émancipé d’advenir, dans lequel le verbe s’entrelace à l’image. Son premier livre, Thune Amertume Fortune (2022), convoque et relie au fil des pages la précarité et le capitalisme, les superstitions et les prédictions, l'amour inconditionnel et le désir de révolution, le salut et le meurtre. La zone rurale périurbaine depuis laquelle l’artiste vit et travaille devient le décor des épopées qu’elle met en place, ayant moins trait au genre héroïque qu’à un dialogue entre le non-précieux – voire l’apparemment banal –, le brutal, et le sublime. Ses personnages féminins transgressent leurs identités réifiées, oscillant de proies à prédatrices, de victimes à bourreaux. Les cafés entre amies, les rendez-vous chez la voyante ou les cours de zumba sont les endroits où l’on prépare cette révolution à venir.

Dans un passage du livre, l’autrice écrit : « Construire une maison est une activité pour laquelle il faut une spécifique attention. C’est voir et vivre, habiter. Comme voyager d’ailleurs. Savoir quoi déposer, où et comment, selon ses usages et ses sentiments […]. Vivre quelque part c’est produire de la parure, parer avant de vivre c’est à peu près avouer que sa vie ne produit rien[1]. » Eugénie Zély transforme la fiction en faits ; par son exercice de la pédagogie en école d’art ou d’éditrice pour les éditions Burn~Août, elle construit les fondations d’une autre maison, et donne des conditions d’existence aux mots qui cimentent de nouvelles appréhensions du monde. Dans la revue C’est les vacances qu’elle dirige depuis 2023, elle amplifie la voix d'auteur·ices dont les textes ont en commun d'exprimer une « colère transformatrice ». Eugénie Zély prend le pouls de cette colère, de la violence et de la souffrance – qu’elles soient subies ou infligées – pour mieux tenter d’y remédier.

Lou Ferrand

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