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Omar Castillo Alfaro

Né en 1991 à Tulancingo, Mexique.

Vit et travaille à Paris.

Diplômé de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon.

En 1994, pendant les fouilles du Temple XIII de Palenque au sud du Mexique, l’archéologue Fanny López Jiménez découvre un sarcophage contenant les restes d’une noble maya. Afin de redonner sa force sanguine à la défunte, le corps avait jadis été recouvert de cinabre, un pigment minéral à base de sulfure de mercure. Ce pigment vermillon qui imprègne les ossements de la « Reine Rouge de Palenque » se retrouve aussi dans d’autres sites archéologiques mexicains, comme Teotihuacan. Pendant son enfance, perché sur les pyramides de cette métropole-vestige à une heure de route de Mexico, Omar Castillo Alfaro passe d'innombrables week-end en famille.

Plus intense que le carmin, ce rouge palpite et enveloppe entièrement certaines œuvres de l’artiste. Cette couleur fait partie de son vocabulaire plastique. Elle traduit un attachement et une connaissance de l’histoire et de l’art préhispaniques, mais ajoute aussi à ses œuvres une note flamboyante qu’on pourrait qualifier de Camp[1]. Chère à l’artiste, cette énergie se retrouve dans l'architecture baroque espagnole, dans les chansons d’amours déchirées de Rocío Dúrcal, de Selena, ou dans une telenovela comme Marimar, qui met en scène une lutte des classes amoureuse aussi cruelle que sensuelle entre une paysanne, un propriétaire terrien et sa famille.

Dans les œuvres d’Omar Castillo Alfaro, les antipodes cohabitent. Des tiges de fer à béton revisitent les élégants décors des corniches des temples mayas et aztèques, en projetant dans l’espace la majesté et le mystère de ces édifices antiques. Fragiles et délicates, des fleurs en paraffine, sculptées une à une par l’artiste, couvrent le métal de stalactites blanches. Dans la lumière rouge des filtres colorés et du cinabre, le noir de la terre et la dureté de la pierre prennent, au sol, la forme de becs d’oiseaux ou de flammes stylisées.

L’artiste s’intéresse aussi aux amantecas, des artistes aztèques d’élite maîtrisant la plumasserie – cet art des plumes, à l’époque aussi précieuses que sacrées, que l’on utilisait pour orner les coiffes des souverain·es, les boucliers des guerrier·es ou certains objets religieux. Les moines installés au Mexique se servent encore de la plumasserie pour réaliser des icônes chrétiennes. Aussi, entre les mains d’Omar Castillo Alfaro, qui l’utilise pour reproduire des personnages de manga qu’il voyait à la télévision dans les années 1990, cet art questionne le statut des images à l’ère de leur circulation sur Internet.

Les installations immersives, les vidéos, les sculptures et les poèmes de l’artiste – qu’il traduit en Maya avec l’aide de locuteur·ices natif·ves – viennent interroger le puzzle hétérogène que forment les différentes identités contemporaines.

À l’image de la cathédrale métropolitaine de Mexico, édifiée avec les pierres du Templo Mayor, haut lieu sacré de Tenochtitlan détruit par les conquistadors, ces cultures se sont bâties dans la violence extrême, le démembrement et le déracinement dûs au trauma colonial. Ceci laisse des traces concrètes : dans l’écriture de l’« Histoire » d’une société, comme dans la manière dont on lit son propre vécu.

Réactualiser les savoir-faire traditionnels et les gestes artistiques du passé, à la lumière des réflexions décoloniales, transféministes, marxistes et analectiques[1], permet à l’artiste d’agir dans le réel, et de débloquer les situations endiguées dans les affects négatifs[2] dont on hérite.

Ana Mendoza Aldana

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